(F) MATHILDA BERNMARK › let's hurt tonight

CLEO ‹ Le dernier matériel sorti spécialement pour la présentation de la journée finalement rangé, le propriétaire de la galerie soupire et referme la porte de son bureau derrière lui dans le but de profiter de sa grande salle colorée aux bons goûts de sa propre décoration et des toiles affichées maintenant qu’elle est vide. Cependant, alors qu’il est prêt à se décontracter un peu, il entend du bruit à l’entrée. Il fronce les sourcils, surpris et irrité, n’hésite pas un seul instant à parcourir les quelques mètres pour voir qui est le perturbateur. « Excusez-moi, mais je suis fermé. » Il tombe sur une jeune femme, qui a très probablement la moitié de son âge tellement elle est jeune, et pendant un court moment il est quelque peu abasourdi par ce détail, pourtant insignifiant, mais également sa beauté, ce qu’elle dégage. Il se reprend bien vite, l’expression neutre et interrogative, pas chaleureuse mais pas agressive non plus, attendant patiemment une réponse de sa part. « J’aime bien ce que vous exposez, ça sort de l’ordinaire. » Une nouvelle fois, en l’espace de quelques secondes à peine alors qu’il ne l’est usuellement jamais, il tombe des nues face à elle. Elle l’ignore complètement, délibérément, alors qu’elle s’enfonce plus profondément dans la grande pièce pour admirer les œuvres de ses clients. Bon, d’accord.

« Fais voir. » Et il n’a pas si tôt fini de parler, qu’il n’attend pas plus longtemps, et surtout pas sa permission, pour lui arracher son petit carnet des mains. Elle essaie en vain de le récupérer, alors qu’il s’éloigne déjà d’un pas vif d’elle pour être hors de portée, mais pas réellement frénétique pour pouvoir regarder et analyser le croquis qu’elle vient de gribouiller alors qu’elle était assise et concentrée face à l’œuvre exposée dans sa galerie. Il sourit toujours, alors qu’elle a les bras croisés derrière lui, mécontente et exagérant son attitude pour bien qu’il le comprenne même s’ils savent tous deux qu’il n’en a strictement rien à foutre, avant de lui balancer son bloc-notes sans le moindre respect. « C’est de la merde. » Bons réflexes, elle rattrape l’objet maltraité de justesse, lui lançant un regard noir et furieux, comme si elle espérait pouvoir véritablement le foudroyer sur place. Évidemment, cela n’arrivera pas. « Et bien, parce que tu es si fort, montre-moi ce que tu vaux. » Il a le sourire triomphant qui franchit ses lèvres, les étire et illumine son visage, alors qu’il attrape la pomme qu’il avait laissée sur le socle d’une des sculptures présentée avec encore moins de respect, avant de croquer dedans et répondre d’un ton arrogant. « Ouais, okay. » Elle est laissée sans voix, la bouche légèrement ouverte, alors qu’elle pensait l’avoir eu à sa provocation. Elle ne s’attendait vraiment pas à ce qu’il aille dans son sens. Il voit son expression un peu étourdie, et il ne peut s’empêcher de rire, moqueur et fier de lui. Sans jamais la toucher, il la guide jusqu’à son bureau. Elle referme la porte doucement derrière elle, pas franchement sûre d’où il veut en venir, alors qu’il ouvre un tiroir, toujours de ce même air confiant, et lui tend un carnet, qui semble être le sien, et plein à craquer. Intriguée, elle ne se fait pas prier pour l’attraper et commencer à feuilleter, avant qu’elle ne se rende compte que lui aussi dessinait. « C’est… plutôt pas mal. » Un euphémisme pour dire qu’elle pense qu’il est véritablement doué, mais cela lui écorcherait la gueule. Lui, il continue de sourire, l’observant admirer ses rapides créations. Il sait qu’il pourrait dire quelque chose de sarcastique pour la provoquer encore un peu plus, mais il n’en fait rien. Il se contente de profiter du moment, avant de le briser lorsqu’il élève de nouveau la voix. « Je déconnais, c’est pas de la merde. Mais attends, regarde. » Il récupère son calepin, cette fois-ci avec plus de douceur, pour l’ouvrir sur le croquis qu’elle vient de marquer au crayon de papier, attrape sans regarder un qui était posé sur son bureau et lui montre pédagogiquement les quelques petits détails à rectifier. « Tu vois, t’es pas tant un connard que ça. » Elle rit, elle l’insulte parce qu’elle se venge, parce que c’est seulement de bonne guerre entre eux. Son expression reste impassible alors qu’elle est déconcentrée de son doux apprentissage par l’amusement de sa provocation, et ses yeux ne quittent pas un seul instant les traits qu’il est entrain de poser. « Oh, ta gueule. »

Assise en face de lui sur son canapé, c’est peut-être parce qu’elle est silencieuse qu’il sent, qu’il sait, qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Ils ne sont pas vus pendant plusieurs semaines, toutefois Angel n’en a rien pensé. Ils se voient, mais ne se sont jamais rien promis et c’est très bien ainsi, cela restera comme ainsi, alors il n’a pas été étonné de ne plus avoir de nouvelles du jour au lendemain. Il pensait seulement qu’elle s’était lassée et était sortie de sa vie. S’il devait être honnête, il dirait presque qu’il était déjà passé à autre chose. Mais voilà qu’on sonne à sa porte et qu’il se retrouve nez-à-nez avec elle. Il ne lui demande pas ce qu’elle a bien pu faire durant ces dernières semaines, pourquoi elle a été muette comme une tombe. Il ne sait pas s’il s’en fout ou s’il est curieux, sûrement un peu des deux, toutefois c’est son droit, et ils ne sont rien l’un pour l’autre. Néanmoins, il a le pressentiment qu’elle va en parler d’elle-même, alors il lui a servi un whisky alors que lui ait à son éternelle bière – comment fait-elle pour boire une telle horreur ? –, attendant patiemment qu’elle veuille bien ouvrir la bouche. Ou pas. « J’ai été mordue, par un loup. » Sincèrement surpris, il doit admettre qu’il s’attendait à beaucoup de choses mais pas à une telle révélation. Sa seule réaction est néanmoins un simple haussement de sourcil. Ils savent que l’un et l’autre sont au courant du monde surnaturel qui entoure les êtres humains, ils en ont déjà parlé dans le passé, toutefois c’est un rebondissement inattendu qui n’est que trop agréablement accueilli, du moins par lui. Il concentrer tous ses efforts sur son visage, alors qu’il s’empêche tant bien que mal de sourire. Il est presque ému de constater qu’elle se sent assez proche de lui pour lui confier une telle chose. Ironie du sort qu’elle ne sache pas un seul instant qu’il est un chasseur, censé la terrasser maintenant qu’elle est passée du côté du diable. Respirant doucement, pour ne pas se trahir, il pose une main sur ses lèvres, alors qu’il réfléchit intensément, et se penche un peu en arrière de sorte que son dos soit contre le dossier. Intéressant.
Ses lèvres qui bougent frénétiquement contre les siennes, il l’entend déjà soupirer d’aise dans sa bouche entrouverte alors qu’ils n’ont même pas encore réellement commencé. Leurs mains sont presque maladroites quand elles essaient d’enlever les vêtements de l’autre, parce que cela fait bien trop longtemps qu’ils n’ont pas fait ça ensemble. Elle le pousse sur le lit, le t-shirt déchiré au passage, et il a le souffle coupé durant une seconde à peine lorsque son dos touche le matelas, réalisant à quel point elle a effectivement pris en force. Cette fois-ci, il n’essaie même pas d’empêcher le sourire narquois qui arque ses lèvres dans un coin. « Essaie de ne pas me mordre. » Il se sent rire comme un débile alors que ses lèvres suivent les nombreuses cicatrices qu’il a un peu partout sur le corps, notamment sur le torse et l’intérieur de ses bras. Il devrait avoir peur, il le sait. Néanmoins, il n’arrive pas à ressentir une quelconque inquiétude quant au fait qu’elle pourrait planter ses crocs dans sa jugulaire, ou même partout ailleurs sur lui. À jouer avec le feu depuis toujours, il est devenu un réel pyromane. « Ferme-la, pour une fois. »